Merveilles ou la nuit des temps


Papiers thermiques

Papiers thermiques

Héliogravures

Héliogravures

Lithographies

Lithographies

Collages

Collages

Evocation d’un âge de fer primitif et contemporain à partir de l’exploitation graphique des gravures protohistoriques (1800 avant notre ère) du mont Bego (sites de la Vallée des Merveilles et du Val de Fontanalbe, Alpes Maritimes). L’ensemble du travail a été réalisé à la suite de randonnées effectuées sur place durant la seconde moitié des années 1990.
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Les techniques :

Première phase : le travail sur papier thermique (l’estampage)

Les estampages (ou « matrices ») sont obtenus par brûlures successives sur papier thermique, réalisées, par exemple, à l’aide d’un fer à repasser (mais tout autre objet métallique susceptible d’être chauffé produit les mêmes effets). Aucun médium n’est utilisé dans la réalisation de ces estampages, ni encre ni peinture et a fortiori ni crayon ni fusain, ni plume, ni pinceau. Les images sont en quelque sorte « révélées » sous les effets combinés de la chaleur et des réactions chimiques dues à la composition du papier lui-même.

Le papier thermique est un papier couché (dont la composition demeure secrète mais l’actualité récente a montré qu’il est susceptible de contenir du bisphénol A). On en trouve des applications finales dans les tickets de caisse et les reçus bancaires.

Le travail sur papier thermique peut s’apparenter au monotype : seule surgit sur le papier la trace de la brûlure dans ses différents aspects selon que le fer à repasser est utilisé de la pointe ou de la semelle, ou selon la température du fer et son temps d’application. L’estampage est unique, et aucun repentir n’est possible (si ce n’est par le truchement de la déchirure et du collage).

La palette des couleurs est réduite au minimum induit par le procédé lui-même : noirs chauds, gamme de gris et d’ocres brûlées. L’aspect général (morsure du trait, corrosion du papier sous l’effet de la chaleur) n’est pas sans rappeler celui des gravures rupestres elles-mêmes telles qu’elles ont été tracées dans les grès et les schistes des hautes vallées glaciaires entourant le mont Bego (2872 m.).

Les estampages sur papier thermiques sont très sensibles à la lumière du jour. Ils ne peuvent êtres exposés que dans une salle dont les fenêtres ont été aveuglées et sous un éclairage tamisé.

Deuxième phase : le transfert et l’impression (lithographies et héliogravures)

Dans un second temps, et précisément parce que le papier thermique résiste mal aux ultraviolets d’une part, et que d’autre part il ne se conserve que dans des conditions très particulières, il a fallu procéder à la « sauvegarde » des matrices réalisées sur papier thermique.

Deux procédés différents ont été retenus. Certaines matrices ont été insolées sur des plaques photosensibles positives et traitées en lithographie à l’atelier Clot, Bramsen & Georges (Paris).

D’autres matrices (plus nombreuses) ont été transférées sur plaque de cuivre (selon la technique de l’héliogravure) à l’atelier Hélio’g (Fanny Boucher, Meudon, 92) et imprimées aux ateliers Moret à Paris en 2002 et 2003.

L’atelier Hélio’g de Fanny Boucher est le seul atelier professionnel français consacré à l’héliogravure au grain, une technique photomécanique héritée du XIXème siècle qui consiste à obtenir un tirage d’une image (photographie, dessin, ou autre) en gravure taille-douce à partir d’une plaque de cuivre qui reçoit au préalable l’empreinte d’un cliché.

Pour compléter cet ensemble d’héliogravures et de lithographies, des chutes d’éléments héliogravés ont été utilisées pour réaliser une série de collages inspirés des mêmes motifs. Enfin, une dizaine d’années plus tard des objets en métal ont été réalisés à partir de vieux outils rouillés récupérés ici ou là et soudés les uns aux autres. Ces objets constituent un complément jugé indispensable à cette évocation de l’âge des métaux.

L’ensemble de cet épisode créatif s’est donc, à ce jour, étalé sur une dizaine d’années : il a démarré avec des randonnées in situ, s’est poursuivi par des lectures et des réflexions sur l’âge de fer en même temps qu’il se concrétisait avec la mise au point de l’estampage sur papier thermique, puis s’est pérennisé avec les travaux d’atelier (héliogravures, lithographies et collages). Il s’est (provisoirement ?) conclu par la fabrication des motifs en volume. Cet ensemble comporte : une cinquantaine d’estampages sur papier thermique, plus d’une vingtaine d’héliogravures, une dizaine de lithographies, une douzaine de collages d’éléments héliogravés et une quinzaine d’assemblages d’objets métalliques (voir en bas de page).

La portée symbolique :

Les motifs représentés dans les estampes s’inspirent des « pictogrammes » exécutés par les graveurs de l’âge des métaux : signes corniformes simples ou associés (têtes de bovidés ou attelages), armes et outils (poignards, araires), figures anthropomorphes ou géométriques. Les estampes sur papier, là où les gravures rupestres n’ont aucun caractère réaliste, privilégient les figures anthropomorphes en mettant en outre l’accent sur les aspects chaotiques des hautes vallées glaciaires du mont Bego (paysage minéral, blocs erratiques, moraines, sources d’altitude, lacs sombres, crêtes déchiquetées, etc.).
Les milliers de gravures rupestres répertoriées par Henri de Lumley et son équipe de 1967 à 1991 (le site est depuis classé au titre des monuments historiques) sont interprétées par les paléontologues comme un tout cohérent constituant une tentative de « mise par écrit » des grands mythes indo-européens de l’origine ainsi que des préoccupations quotidiennes des populations pastorales et agricoles de l’époque.

L’ensemble des travaux (estampages, héliogravures, lithographies collages et assemblages) associe à cette mythologie l’effroyable expérience d’un autre âge de fer, contemporain celui-là (marqué par exemple par les séismes historiques que constituent les deux guerres mondiales et le génocide du vingtième siècle) qui vient se superposer à l’âge du fer protohistorique : l’empreinte inquiétante du fer à repasser aisément reconnaissable à sa forme triangulaire et repérable dans beaucoup d’estampes manifeste l’intrusion du contemporain dans le primitif.

Sont ainsi revisités après plus de vingt siècles d’errance les mythes de l’origine, celui du couple primordial (Ouranos et Gaia), le thème de la fertilité (pluie, source, orage), celui concomitant de la fécondité (dieu tauromorphe), l’émergence du sacré (la montagne magique) et de l’angoisse (en premier lieu celle de la castration).

Ci-dessous quelques assemblages d’objets métalliques associés aux Merveilles :


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